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                                        Un amour de Galathée

                              (Extrait de Erp.fox, Nouveaux dossiers)

       

                                                           En hommage à Mérimée

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                 Fox s’ ennuyait. Son caractère cyclothymique le plongeait parfois dans l’ un de ces états où toute force l’ abandonnait au profit d’ une sombre mélancolie improductive. La peinture, la cuisine, la lecture… tout lui paraissait, dans ces moments, trop effort pour s’ arracher à cette torpeur désabusée qui le submergeait. Il ouvrait alors les volets de sa chambre-bureau et, le front appuyé sur la vitre, s’ abandonnait à de nébuleuses réflexions.

    C’ est dans l’ un de ces moments que je l’ avais trouvé ce jour-là. Un vague grognement avait radicalement mis un terme à mes tentatives de conversation. J’ avais jeté un coup d’ œil au spectacle qu’ il contemplait mais rien de probant ne se déroulant sur une place du tertre désertée, livrée à quelques pigeons en mal de miettes oubliées,  faute de touriste. Finalement je m’ étais installé dans le grand fauteuil en cuir et feuilletais un ouvrage oublié sur le bureau.

  «  Sa pâleur diaphane s’ accentue de jour en jour comme une âme se vide de sa substance ! »

    Je sursautai surpris. Ces mots étaient les premiers que mon ami prononçait depuis de longues minutes.

«  De qui parlez- vous ?

  • C’est une citation. Une phrase de Sheridan Le Fanu, l’ écrivain Irlandais auteur de Carmilla. Je trouve qu’ elle s’ applique parfaitement à cette jeune fille ! »

  Je m’ approchai de la fenêtre. Une jeune femme traversait la place. De fait , sa démarche dénotait une fragilité qui pouvait laisser penser à de la faiblesse. Elle semblait chétive et  donnait l’ impression que le moindre souffle de vent allait la balayer.

«  Elle vient tous les jours à la même heure et rentre dans cet immeuble en face…

  • Qu’ est-ce que cela a de particulier ? Qui réside dans cet immeuble ?

  • Un sculpteur. Il s’ agit probablement d’ un modèle payé à l’ heure de pause. Mais elle parait, chaque jour, un peu plus…effacée ! »

Il s’ enferma à nouveau dans son mutisme forcené.

Deux heures s’ étaient écoulées lorsque je le vis soudain se précipiter sur son veston, l’ endosser et se ruer dehors.

Intrigué je le suivis.

 

  • ​

 

Lorsque j’ arrivai sur le trottoir, j’ embrassai, d’ un coup d’ œil, la violente scène qui s’ y déroulait. Un colosse en tenue d’ ouvrier tentait d’ étrangler un autre quidam sur le seuil que nous avions vu franchi par la jeune inconnue quelques temps auparavant. Fox, dans sa tenue de bibliothécaire anglais, sautillait entre les deux belligérants dont la taille le dépassait, tentant de les séparer. Un peu plus loin la jeune femme suivait d’ un œil effaré la rixe. Je me précipitai et agrippai le combattant le plus hargneux par les épaules et, d’ un coupsec, l’ arrachai à sa victime. D’ un croc en jambe, je le déséquilibrai et le comparse chuta, sa tête heurtant violemment le trottoir. Fox soutenait l’ adversaire qui suffoquait.

Il me cria de m’ occuper de ma victime alors qu’ il poussait l’ agressé dans l’ obscurité du hall qui se tenait derrière eux.

Un rapide examen me rassura. Le mien n’ était qu’ étourdi. Je m’ approchai de la jeune femme, encore pétrifiée. Ses traits me paraissaient encore plus creusés que lorsque je l’ avais aperçue par la fenêtre de Fox. Ses grands yeux gris me firent penser à ceux, fascinés, d’ une souris traquée par un chat.

«  Que c’ est- il passé ? »

Elle ne répondait pas. Je désignai l’ inconnu étendu sur le sol.

«  Qui est-ce ?...Votre compagnon ?... »

Elle articula péniblement : «  Il est m… »

Je la rassurai tout de suite.

« Non ! juste étourdi ! »

Une ombre glissa dans son regard dont je n’ aurais pu dire si elle était de satisfaction ou de déception.

L’ homme bougeait enfin. Je m’ en approchai et l’ aidai à se relever. Il semblait encore bien sonné et secoua la tête, comme pour ranger ses idées éparpillées par le choc.

«  Ça va ? » m’ enquis je prudemment . Il me dévisagea d’ un air ahuri, puis aperçut la jeune femme. La colère bouillonna de nouveau dans son regard mais il se contint.

«  Je ne veux plus que tu poses pour ce salopard ! Il va te tuer ! »

 

  • ​

 

Fox, de son côté, avait trainé son homme dans un atelier. Après l’ avoir assis sur un divan, déjà éprouvé par les âges, il examinait l’ athanor du sculpteur. Un capharnaüm d’ outils, de tentures et de poussières. Dans le fond de la pièce, une toile recouvrait une forme haute. Au sol, des éclats de pierre et de marbre crissaient sous les pas. L’ occultologue curieux s’ approcha de la statue voilée et sa main s’ approcha de la tenture pour la soulever. Un cri l’ arrêta.

«  N’ y touchez pas ! »

Le sculpteur avait tenté de se lever pour le retenir mais il était retombé sur son siège. Fox n’ insista pas et revint vers lui. Il se présenta. L’ homme le regarda, un moment étonné, puis réalisa qu’ il devait faire de même.

« René Pagma, sculpteur… »

Son visage reprenait des couleurs et il se leva pour fouiller dans un tiroir dont il extirpa un vieux paquet de cigarettes chiffonné . Il en tira une et l’ alluma.

Fox, silencieux, le détaillait. Grand, décharné , il semblait tressé de fils et de cordes noueuses. Son visage d’ échassier s’ encombrait d’ une moustache en plumeau très fournie.

Ses longues mains fines ne laissaient guère penser qu’ il maniait régulièrement marteau et burin… Ses doigts tremblaient encore un peu.

«  Vous vous êtes fait un ennemi ! » constata mon ami.

L’ artiste haussa les épaules.

«  Un jaloux stupide…Depuis deux mois, il essaie de dissuader sa femme de poser pour moi ! »

Fox émit un petit ricanement.

«  Je pense que cette fois ci, il y a réussi !

  • Pensez- vous ! »

Le ton était devenu plus sec. Fox crut y discerner une pointe d’ inquiétude. Le sculpteur fit quelques moulinets exaspérés vers le plafond comme s’ il cherchait à chasser de sombres appréhensions.

«  Elle reviendra ! Elle ne peut pas ne pas revenir. Ils ont trop besoin de son salaire ! Et puis…

  • Et puis ?

  • Ma statue n’ est pas tout à fait terminée ! »

Fox, songeur se tourna vers l’ ouvrage voilé mais ne fit pas de commentaire. Il s’ en approcha encore. Il sentit à côté de lui le mouvement instinctif de l’ artiste pour protéger son « bébé ».

    Il n’ insista pas. D’ ailleurs l’ atmosphère de la pièce s’ était alourdie. Fox, agacé, ne parvenait pas à discerner ce qui l’ avait soudain saisi…comme le sentiment d’ une autre présence…une impression diffuse…

« Je ne peux vraiment pas la voir ?

  • Non ! »

 

  • ​

Le colosse s’ était calmé. Il s’ appelait Angelo et finalement paraissait plutôt un bon bougre. Je l’ avais trainé, ainsi que sa compagne, jusqu’ à la terrasse voisine. C’est devant une absinthe qu’ il m’ avait raconté leur histoire. Peintre en bâtiment, il courait les chantiers mais n’ avait plus trouvé d’ embauche depuis deux mois. Sa compagne qui se prénommait Gabrielle, avait fait la rencontre de ce sculpteur à ce moment- là, alors qu’ elle musait parmi les peintres de la place. Gabrielle adorait la peinture d’ art, l’ odeur enivrante de térébenthine et de pastels écrasés qui faisait tout le parfum de ce coin de la butte. Régulièrement, elle se laissait tenter par les rapins qui, attirés par sa grâce hellénique, la sollicitaient pour poser pour eux. Au début, Angelo avait pris cela en souriant, très fier de l’ enthousiasme que déclenchait sa compagne. Ce fut même lui qui lui conseilla d’ accepter l’ offre de modèle que lui fit ce René Pagma, sculpteur qui commençait à se faire une petite réputation.

Les séances commencèrent. Gabrielle était ravie. Elle guettait les heures de ces séances, pourtant astreignantes. Mais l’ immobilité imposée lui permettait de s’ évader, de rêver… Puis , Angelo avait retrouvé un petit chantier. Occupé, il ne s’ était tout d’ abord pas rendu compte de l’ évolution de sa compagne. Mais petit à petit, il dut bien admettre qu’ elle ne parlait plus autant. Leurs chamailleries même se faisaient plus rares. Inquiet, il la surveilla plus. De jours en jours il la vit perdre du poids. Ses traits se creusaient. La malice de son regard s’ était éteinte.

Elle trainait même parfois pour partir quand elle devait se rendre chez le sculpteur…

Alors il commença à craindre le pire… Il commença à conseiller à Gabrielle de cesser ces séances de pose. Mais elle le regardait de ses grands yeux sombres emplis de fatalité et y retournait… Petit à petit sa crainte, à lui, se mua en angoisse . Elle dépérissait. Finalement, ce jour, il s’ était décidé. Il allait avoir une explication définitive avec ce maudit statuaire…

Au fil de son récit, ses yeux s’ étaient rougis de larmes à peine retenues. La jeune femme demeurait impassibles, ses yeux erraient bien loin de cette place…

 

  • ​

«  Une banale affaire de jalousie ! conclurais-je. »

 

Fox ne répondit pas. Nous venions d’ échanger les récitset il se murait dans un silence têtu, toujours aux aguets derrière sa fenêtre.

Exaspéré, je feignis de l’ ignorer et, fauchant le journal qui coiffait le crâne peint en rouge, posé sur le marbre de la cheminée, je m’ enfonçai dans le fauteuil.

«  Cette affaire est étrange, Pocket !... »

Surpris, je levai les yeux.

«  Qu’ est ce qui est étrange ?

  • Je ne sais pas…cette jeune femme qui se délite…

  • Le couple ne le dit peut être pas par pudeur mais je soupçonne qu’ ils ne mangent pas forcément tous les jours à leur faim… »

             Fox eut un vague geste d’ exaspération.

« Il ne s’ agit pas de cela !C’est comme si elle …s’ effaçait ! »

    Il grimpa en haut de son escabeau et commença à fouiner dans la bibliothèque. Il en descendit une pile de volumes qu’ il posa sur le bureau. J’ en déduisis qu’ une longue période de lecture silencieuse s’ annonçait . Je me levai donc à mon tour et ramassai mon manteau pour sortir. Au passage je jetai un œil rapide sur les livres, fraîchement extirpés de leur poussière.

 «  L’ onde Mega » de Charles Ward, « Chroniques mythologiques de la Grèce ancienne »…Curieux mélange !

 

Ω

   Nous restâmes trois jours sans revoir la jeune modèle. Peut être finalement que son compagnon avait réussi à la convaincre de renoncer aux poses…

   Le sculpteur, quant à lui, apparaissait plus souvent. Il s’ échappait régulièrement deux bonnes heures. Fox persistait à le surveiller et avait relevé ses horaires de sortie. Je ne comprenais plus son acharnement pour cette histoire qui frisait la banalité.

 Le troisième jour, alors que je finissais mon café, Fox quitta brusquement son poste de guet et endossa son manteau.

  « C’est le moment ! »

   Je jaillis à mon tour du fauteuil.

« Le moment de quoi ? »

   Fox me lança un regard ironique en coin.

«  Mais de visiter l’ atelier de notre ami ! »

       Et il s’ engouffra dans l’ escalier.

  Je le rejoignis devant la porte de l’ immeuble du sculpteur. Nous pénétrâmes dans le hall et Fox s’ affairait déjà avec son cure-pipe pour forcer la serrure. Dans les récits policiers, cette activité se montre toujours simple. Ici, cela semblait nettement moins aisé. Cependant la serrure finit par céder et nous entrâmes dans l’ atelier. La pièce, vide, respirait le même désordre que celui que m’ avait décrit mon comparse. Le silence rendait l’ atmosphère plus pesante. Et pourtant, quelque chose clochait…comme une impression de secret, de caché…une présence.

  Fox s’ était immédiatement rendu devant la statue masquée. J’ inspectai , gêné le local, bien conscient que nous commettions un viol de l’ intimité de ce  Pagma qui , après tout, ne supportait peut être pas, comme beaucoup d’ artistes, que l’ on contemple son œuvre avant qu’ elle soit achevée.

     Fox tira un cordon et le drap s’ abattit révélant un marbre qui nous laissa muets !

     La délicatesse n’ en était pas descriptible. La jeune modèle avait cédé sa place à une merveille rayonnante comme une chrysalide fibreuse aurait distribué un papillon fabuleux. Elle irradiait. Le mouvement, la texture respirait un parfum charnel qui n’ attendait qu’ un geste des lèvres pour nous asservir…

   Un cri, derrière nous rompit le charme !

L’ Artiste se tenait sur le seuil, stupéfait de nous découvrir ici. Se ressaisissant brutalement il se rua sur un buffet dont il tira un tiroir. D’ un bond Fox était sur lui et empoignait sa main avant qu’ il ne se saisisse du revolver qui y était caché.

     Les deux hommes s’ affrontèrent du regard en silence, puis le statuaire baissa la tête. Se dégageant de l’ emprise, il se rendit auprès de la statue dont il replaça le voile.

  D’ un signe discret, mon compagnon me fit signe et nous nous éclipsâmes.

     En traversant la place je scrutai son visage, étonnamment sombre.

Il maugréa, entre ses lèvres crispées.

«  Finalement, c’ est bien une histoire de jalousie ! 

  • Je vous l’ avais dit ! » confirmai-je, »Une banale histoire de jalousie. Le compagnon de cette jeune fille… »

 Fox me coupa.

«  Ce n’ est pas lui qui est jaloux ! C’est le sculpteur ! »

 

Ω

«   Connaissez- vous le mythe de Pygmalion, Pocket ? »

      Je refermai l’ ennuyeux ouvrage sur les loups garous de Provence que Fox m’ avait conseillé et bâillai.

«  Il me semble qu’ il s’ agit d’ un mythe grec. Une histoire de sculpteur… »

      L’ occultologue ne lâchait pas son idée fixe.

« Pygmalion était un sculpteur de Chypre descendant d'Athéna et d'Héphaïstos. Révolté contre le mariage à cause de la conduite répréhensible des Propétides (femmes de Chypre), il opta pour le célibat. Cependant, il tomba amoureux d'une statue d'ivoire, ouvrage de son ciseau. Obtenant d'Aphrodite qu'elle donne vie à la statue, il l'épousa en présence de la déesse et, selon certaines versions, eut d'elle deux enfants : Paphos et Matharmé.

  • Elle ne le laissa donc pas de marbre… «  hasardai-je ironique.

Fox haussa les épaules en émettant un soupir de déception. Piteux, je tentai de me racheter.

 «  Où est le rapport avec notre odalisque ?

  • Je ne sais pas… » murmura-t-il songeur.

En tous cas, cette lubie de Fox avait une conséquence positive indirecte. Les volets de sa fenêtre n’ étaient plus jamais fermés. Un soleil resplendissant se déversait dans la pièce faisant danser dans ses rais des myriades de papillons de cette poussière invisible qui nourrit nos poumons. Je m’ en approchai pour contempler la place où bouillonnait comme à l’ habitude une foule de badauds, touristes, rapins et autres gamins sauvages de la butte.

«  Je ne sais pas mais cette histoire m’ y fait étonnamment penser.

  • On ne peut pas donner vie à une statue !

  • Qui sait ? J’ ai commencé à relire ce surprenant ouvrage de Charles Ward sur l’ onde Mega…

  • Qu’ est-ce que l’ onde Mega[1] ?

  • D’ après lui une onde activée par notre cerveau et dont la longueur, variable selon les individus, peut créer des interactions avec celles des autres, voire les absorber si le rapport de force est trop important.

  • Et le rapport avec notre cas ? puisque vous persistez à penser que cas, il-y-a…

  • Un artiste pourrait-il s’ emparer de la personnalité de son modèle, nourrir sa création de l’ amour démesuré qu’ il en serait arrivé à ressentir pour elle ?  Pourrait-il ainsi, la « vampiriser » en quelque sorte ? »

Je dévisageai Fox, effaré. Non ! il était bien sérieux !

« Pocket, ce serait abominable ! et pourtant, vous vous souvenez de la Vie qui irradiait de ce marbre ? Il ne nous reste plus qu’ à souhaiter que cette jeune femme ait renoncé à ses séances de pause … »

Songeur, je retournai à mes contemplations et sursautai brutalement.

«  La voici, justement ! »

 

  • ​

Elle ne reparut que deux heures plus tard. Durant tout ce temps, Fox était resté, campé devant la fenêtre, le visage crispé. Son angoisse avait fini par me contaminer.

«  Regardez ! »

La jeune femme titubait. Elle se rattrapa au dossier d’ un rapin, absorbé dans un portrait « sur le vif » d’ un passant et qui l’ invectiva copieusement.

Fox m’ agrippa et m’ entraina hors de l’ appartement.

Lorsque nous débouchâmes sur le trottoir, notre » Galatée »avait à peine fini de traverser la place. Elle trébucha et se tordit la cheville en posant le pied sur le pavé inégal de la rue de Provins , puis se figea un moment.

Fox hâtait le pas

« Vite ! elle va tomber ! »

Ses bras firent d’ étranges soubresauts alors que ses épaules semblaient secouées par une série de hoquets. Elle s’ effondra au moment où mon ami la rejoignait.

Une vague de surprise illustrée de cris affolés secoua la terrasse du bar des Artistes qui se trouvait en face. Nous la retournâmes sans peine. Elle semblait encore plus légère que la dernière fois. Des cernes noirs chargeaient son regard fixe. Ses lèvres, à peine entrouvertes n’ avaient plus de couleur. Fox sortit un miroir de poche et le posa devant sa bouche. Je hélais pendant ce temps la foule pour que quelqu’un se décide à appeler les secours.

Fox s’ était relevé. Son regard était sinistre. Gabrielle ne poserait plus jamais pour aucun sculpteur.

«  De quoi est-elle morte d’ après vous ? » risquai- je.

«  D’ épuisement…» murmura sombrementmon compagnon .

 

  • ​

 

L’ enquête de police fut rapide et ne contredit pas le diagnostic de Fox.

Bien qu’ une vengeance violente d’ Angelo fut à craindre, nous ne le vîmes pas dans le secteur durant la semaine qui suivit. L’ incident, dans le ventre de ce monstre que l’ on nomme Paris, fut rapidement noyé parmi tant d’ autres.

Fox avait refermé ses volets mais quelque chose me disait que , pour lui, ce drame n’ était pas fini. Régulièrement, il entrouvrait un montant de la persienne et jetait un œil à l’ immeuble du sculpteur dont ne rentrait et sortait que la femme de ménage, une fois par semaine. Le statuaire quant à lui n’ apparaissait plus.

Ce matin- là, nous étions descendus à la terrasse du bar des artistes où nous sirotions en silence un anis. Onze Heures sonnaient à la cloche de la basilique. Machinalement, nos regards restaient rivés sur la porte de René Pagma. C’était le jour du ménage. L’ employée, d’ un pas de trotte-menu traversait la place et disparut dans le hall de la bâtisse.

Mais elle en rejaillit aussitôt en poussant des cris d’ effraie qui ameutèrent toute la place. Elle se tordait les mains et ses hurlements la suffoquèrent bientôt. Nous nous précipitâmes.

Livide, elle ne parvenait plus à lâcher le moindre son intelligible. Fox se rua dans l’ atelier.

René Pagma gisait dans la poussière, aux pieds de la statue découverte. Je m’ approchai à mon tour. Le corps formait des angles bizarres. Les yeux avaient jailli hors des orbites, la langue pendait, noire…

On eut dit qu’ il avait été broyé…

      Le regard de Fox ne quittait plus le visage de la statue…un visage rayonnant de vie, de joie, de vengeance satisfaite.

Sur les mains de marbre, du sang gouttait…

 

St Léger du Bourg Denis

Avril 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] L’ onde Mega : Ce sujet a été l’ objet d’ un autre dossier, « Une si jolie petite fille »- ERP Fox, Occultologue- Premiers dossier,  qui se déroule chronologiquement largement après celui-ci.

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