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Extrait de "Moments" :

Dans la maison de la dame qui souriait

 

Etrange tempête promenant ses spectres de brume filandreux aux travers des charrières !

On eut dit que les morts en mer , pressés de regagner leurs havres oubliés, fuyaient les flots en bandes flasques , poissant chaque arbre, chaque pierre, chaque âme…..

Lamentablement, les vivants séchaient derrière leurs fenêtres en serrant les dents.

Derrière la fenêtre de la maison de la vielle femme qui souriait toujours, Ogern frottait ses os devenus soudain trop froids.

Cette vieille dormeuse n’avait été conçue pour aucun repos de dilettante , pas de prélassement ….

Cabane simple de marins ou d’ouvriers modestes du bord de mer, elle ne possédait que quelques chauffages précaires depuis la disparition de la vielle dame. Lorsqu’une présence venait de nouveau la distraire elle transpirait toutes ses angoisses, ses habitudes… sa mélancolie d’avoir été si longtemps encore seule….

Même le vieux buffet crachait par ses charnières ce trop plein de sel et d’eau qui fait penser aux larmes.

 

Ogern avait froid !

Il n’avait pas encore pris l’habitude de ces rustres conforts que l’urbain dédaigne , voire ignore. Il avait froid !

Froid de cette vie de sable, de moite tempête qui le flagellait à travers le carreau….Ces lanières de brume aguichantes, dentelles empoisonnées qui caressaient son souvenir de fausses impressions érotiques.

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Coucou !

Il était revenu et la vielle dame qui souriait toujours avait éveillé la vielle pendule qui ponctuait leurs conversations lorsqu’elle lui racontait ses souvenirs qu’elles ne voyait plus mais qu’elle savait retrouver au travers des tiroirs et des étuis de photos archivés dans son buffet.

Le coucou sonnait à nouveau , preuve de l’hospitalité de cette demeure. Bien sûr la petite aiguille s’effondrait en montant le cadran mais la grande titillait toujours le fabuleux mécanisme….

Gentillesse pour son retour….pour son retour !

 

La mer l’avait rappelé car il était temps.

 

Il soupira et s’arracha au spectacle sépulcral de ces lamies cotonneuses remontées du large , ces chevelures marines cauchemardesques… Il se retourna.

Dans le grand fauteuil en rotin , presque adossé à la fenêtre, la vieille dame souriait encore….

 

«  Bonsoir Ogern…. »

Ses deux yeux , lavés par l’expérience de tant de siècles de calme, s’étaient fardés de blanc…Mais ils voyaient toujours aussi loin.

Ogern avala péniblement une salive qui ne lui existait plus depuis que le cancer qui l’avait finalement tué l’avait tarie et s’entendit répondre

«  Bonsoir Mémisse …. »

 

 

 

 

Coutainville, le Ruet du Goulot »

Le 19/04/07

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