Olivier Sorel Peintre, Poete, Ecrivain.......
La Violence est elle le mal nécessaire commun des révolutions et du maintien de l’ Ordre ?
La question peut paraître stupide, et la réponse banalement évidente :Oui.
Mais il est clair que les événements récents qui ont secoué la France, entre - autre, et le monde en particulier amènent ce questionnement. Du coup, on en serait amené à prendre des positions tranchées sans réfléchir plus loin. De quelle violence s’ agit - il ? Peut- elle être contrebalancée par autre chose ? La violence est – elle violente ?
Sans compter sur la nature des révolutions, et la notion de maintien de l’ Ordre si cet Ordre génère Révolution.
J’ ai donc pris lâchement mon dictionnaire d’ étymologie pour chercher le mot Violence. Non pour en saisir le sens mais pour voir quel mot avait précédé l’ autre entre viol et violence. Comme je le pensais « Viol » est un terme apparu au XI° siècle et violence au XIII°. La notion de viol n’aurait donc pas été systématiquement été percue comme violente avant le XIII° siècle. A réfléchir…Au passage j’ ai noté que la racine Latine « Vis » fait référence à la Force sans en préciser sa nature.
On pourrait présumer alors que l’ acte est empreint d’ agressivité physique. Mais la déclinaison « Violare » qui exprime le « faire violence » et, plus tard, par extension poétique « se faire violence » donne plutôt l’ idée d’une contrainte morale.
La réduction de la violence à une notion « physique » semble donc discutable.
La notion de Mal et de violence restent aussi très floue. On peut se faire violence lors qu’ on a envie d’ une religieuse au chocolat alors que notre surpoids conseillerait plus de prudence, surtout dans une époque qui met en avant la sveltesse.
En fait s’ agit il de l’ époque ?
Cette question pâtissière met un peu le doigt sur le cœur du problème. Vous avez envie d’ une religieuse au chocolat, les modèles sociaux préconisent la sveltesse. Il y a interférence entre votre moi intime et celui des règles définies par les autres. Autrement dit entre sphère privée et sphère publique.
Finalement, le viol, la violence c’est la pénétration ( sans jeu de mot) de votre sphère privée par la sphère publique.
Admettons que vous soyez sado/masochiste et que la violence vous soit nécessaire pour jouir, vous serez condamné par un ordre Moral qui , lui, relève du jugement collectif. La Violence que vous infligez ou que vous demandez que l’ on vous inflige est jugée inacceptable par la collectivité car elle viole ses principes moraux de fonctionnement.
Je prends un cas extrême et je ne suis pas sado/masochiste.
A ce titre tout acte qui n’ entre pas dans l’ ordre collectif devient une agression violente même s’ il n’ est pas violent ( entendons par là : violent physiquement).
A ce titre toute décision de la collectivité qui heurte votre intégrité personnelle devient aussi une agression violente.
Le choc est donc inévitable puisque les deux sphères ne fonctionnent pas dans le même sens avec le même objet.
Dans la sphère privée, l’ individu est avant tout un ensemble d’ affects évoluant vers un bien être intraverti. Dans la sphère publique, l’ individu est collectif, doit survivre avec les autres et se tourne vers un ou des intérêts extravertis. Si les deux objectifs divergent trop, par l’ intensité, par la culture ou par l’ éducation, l’ une des sphères fera violence ou sera vécue comme violente par l’ autre.
On ne peut donc éviter la violence . Elle est une donnée structurelle du Débat.
Reste le problème de son expression….
C’est là en effet que semble se trouver la motivation de la question que je me suis posée. Celle-ci paraît prendre en référence des modes de conflit liés essentiellement à la violence physique Mais si l’ on part du principe que toute réaction à quelque chose est une violence faite à ce quelque chose, toutes les réactions sont violentes. Le pacifisme aussi !
Connaissez vous une image plus violente que celle de ce militant chinois, seul, désarmé et en chemise affrontant les chars de Tien an men ?
La désobéissance passive appliquée par Ganhdi n’est – elle pas une résistance active à l’ ordre ? Le refus de la violence physique attire le martyr et donc heurte la sensibilité et fait pencher la sympathie.
Le silence ou la voix basse d’ un instituteur ramène plus facilement l’ ordre dans une classe que les cris hystériques…
Il s’ agit donc de confrontations de systèmes liés à des structures. Une structure qui s’ appuie sur l’ Ordre établi arbitrairement par une structure publique émanant du consencius entre un nombre petit ou grand appellera une réponse plus ou moins violente selon qu’elle est, elle-même plus ou moins violente. Plus les structures qui s’ affrontent sont éloignées plus leurs langages seront différents et incompréhensibles à l’autre et donc généralement agressives. Mais ce sera toujours la structure établie qui aura le choix des armes car elle aura la « légitimité », la défaite car elle heurtera forcément la « sensibilité ».
Au bout du compte c’ est toujours la sphère privée qui l’ emporte et qui aboutit, que les révolutions réussissent ou avortent, à de nouvelles organisations publiques et qui seront à leur tour contestées.
Revenons à la question. « Un mal nécessaire » : Non ! Un mal naturel : oui ! Car le conflit est incontournable dans ce rapport entre l’ affect et le social et toutes les formes de réponses inéluctables. L’ individu est amené, lui-même à se faire violence quand il doit choisir entre la part publique qui lui ressemble le plus et la part privée qu’ il doit réfréner.
Dans une République où le jeu électoral est truqué, dois - je aller voter parce que je suis républicain ou m’ abstenir car aucun choix ne me paraît légitime ?
Le mode de l’ action doit être réfléchi.
La violence physique n’est jamais souhaitable car son apparition dans un camp entraine trop facilement son apparition dans l’ autre. Le dialogue est à privilégier. D’ autant que le conflit généré dans la sphère privée peut amener celle-ci à évoluer et donc à modifier les seuils de tolérance.
Parfois elle est incontournable de par la réponse ou l’ absence de réponse. La question se pose alors et toujours : combien sommes-nous à vouloir cela ? Mon désir est – il légitime ?
Olivier SOREL