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La lettre à   le Néant

 Extrait des conversations avec mon chat

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         Pensons, pensez, pense à réré....

 Trois mots de même racine. N'imaginez pas qu'elle soit latine , grecque ou celte... Non ! Il s'agit juste des racines de mon cerisier qui se fait, certes, un peu vieux et que même mon chat à cessé de fréquenter, ces racines sur lesquelles ce stupide félidé, surtout vers 4 heures du matin, et moi avons pris l'habitude de nous asseoir pour réfléchir. Pourquoi là ? Parce qu'à toute réflexion il faut un centre à nos préoccupations... sinon, même avec un rayon de soleil, assis sur ce talus, sans centre, on risque de se barber et nos préoccupations de s'égarer dans les bois.....

             Bref ! Mon chat et moi pensions....

 Il faut reconnaître que la perspective nous y portait. Une vallée vide, encombrée de verdure insipide   qui réveillait mon asthme. Un étouffoir pour moi ! Un comble de confort pour l'adjoint au développement durable de ma commune. L' Existentialisme est peut être un humanisme mais reconnaissez qu'il faut de la bonne volonté quand il s'agit de pouvoir continuer à respirer tout en respectant le droit de l'autre élu de vouloir continuer à aller se les geler les matins de 11 Novembre au pied d'une stèle en pierre , un bouquet de fleurs à la main.

              Bref nous pensions....

  • Comment préserver le monde, de Miss France ?

  • Comment payer sa bonne asiatique au noir sans encourager le conflit des ethnies ?

  • Et surtout, pourquoi les poils de nez repoussent  plus vite en Eté ?

Mon chat avait quelques idées sur la question... pas moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

    «  L ' Existence dépend de la réalité » affirma soudain mon chat « à 5 heures mon estomac gargouille donc j'ai faim. »

L'existence de mon chat, il faut le reconnaître se partage entre deux réalités pour lui : Manger et Dormir. Un vrai Sénateur qui par moments doit confondre notre jardin et celui du Luxembourg !

   Je me lançai dans un profonde démonstration

«  Imagine un poteau, le long du trottoir » Il faut reconnaître que l'exemple eut été plus parlant si mon chat avait été un chien, mais mon chat reste un chat (même si en fait c'est une chatte) c'est une réalité en soi. «  imagine donc un poteau. Il est  en soi. Tu te promènes avec cette adorable brune que tu rêves de convertir au mythe de ta personnalité et, distrait par cette urgence existentielle ainsi que par ce détail situé en dessous de ta ceinture  qui selon Nietsche nous différencie des Dieux, tu entres en contact plus ou moins douloureux avec le dit poteau . Cette soudaine réalité pour toi est incontournable même si ce poteau, lui, eut pu ne pas l' être.

  «  Putain ! Ça fait mal ! »

    Comment veux tu te persuader, le nez en sang, le rouge au front , le cul sur le trottoir que cette réalité en soi devenue pour toi, peut être atténuée par la maîtrise de tes perceptions.... certes le poteau est une réalité passive et c'est ton mouvement qui donne au choc son intensité mais non ! à ce moment, tu as beau savoir que, selon les écolos qui sont toujours en avance sur les deux derniers siècles qui nous précédent, il faudrait les supprimer, les réverbères, pour y voir plus clair à travers la couche d’ozone, tu as constaté que tu ne maîtrises pas tant que cela la réalité et que même si c'est toi qui donnes du sens à ce poteau c'est lui qui t'impose le sens pour le contourner. La passivité du poteau dans un premier temps s'impose.

  • On dit bien la même chose » me rétorqua mon chat.

    J'aurais bien tenté de lui renvoyer la citation de Jean Sol Partre dans le fameux roman » Légumes des jours ».

    (Je me permets une digression au sujet de ce roman qui est une véritable tromperie car en fait de légume on y parle surtout de Colin, qui, comme tout le monde le sait, est un poisson)

   Mais revenons à notre mouton...

   L' interprétation de la réalité ne peut se contenter d' être immédiate.

    Cependant tu n'es plus un citoyen Lambda qui vient d'embrasser un poteau plutôt que la belle brune visée dans l'immédiat, mais Ducon qui soigne en même temps son nez  en compote et qui pense à la virtuelle petite copine, perdue et ça, c'est bien ta réalité qui montre que tu façonnes toi même ton existence même si tu peux un moment supputer que  l'Homme pense agir sur les objets.

   Ceux ci le lui rendent bien. 

   Quand tu arrives dans  ta cuisine avec une pince à spaghetti alors que tu as oublié de les faire cuire c'est pas la pince qui a l'air con.

 

 

                                      

 

   Bref mon chat ne m'a pas suivi. Il a sorti ses lunettes 3D … ça vous étonne ? Moi aussi ! mais c'est une réalité pour moi car j'en ai besoin pour la suite... Donc il a sorti ses lunettes 3D et sa console. Face à la contradiction il a toujours été de mauvais foie, d'où ce teint jaune d'une part et la certitude pour moi que son existence est dépourvue d'Humanité d'autre part puisqu'il refuse ma réalité en moi alors que moi je suis prêt à revoir les composantes de son régime alimentaire si nécessaire. Décidément l'Enfer c'est les hôtes, comme me confiait un pote qui avait racheté une auberge !

      Le soleil se levait. Comme aurait dit Pierre Dac, il se levait à point d'ailleurs pour remplacer la nuit dont le rapide déclin laissait à penser qu'elle ne passerait pas le jour. Lui il le disait dans l'autre sens en faisant tomber la nuit à pic, mais nous ne sommes pas en montagne et mon chat ne se lève pas à 20 heures. Ce dernier restait muet, concentré sur sa PS3 . Vous savez c'est têtu un chat, surtout si il est accro aux jeux vidéo.

    « Oups! » gémit il tout à coup

«  Que se passe-t-il ? » le questionnais je. Vous allez me dire que c'est absurde de questionner un chat. Cependant sachez qu' il me répond plus souvent que mon conseiller municipal sus cité. Il faut dire que mon chat a besoin de moi tous les jours pour sa pâtée, mon conseiller municipal tous les six ans seulement. J'y peux rien ce sont les réalités de l'existence qui comme chacun le sait précède l'essence

.............................................................................................       C'est vrai, c'est une réalité en soi. Ton réservoir est souvent vide avant que tu le remplisses et pour toi il vaut toujours mieux que la réalité de la pompe ne soit pas trop loin .

 

 

 

 

 

 

     Donc revenons à mon chat.

«  Que t'arrive-t-il, » m'enquis je inquiet. Car, même s'il m'insupporte  le matin, il est  en soi et pour moi.

    « J'ai avalé une couleuvre ! »

Notez ce n'est guère exceptionnel ! Je dirais même que c'est le lot commun de tout citoyen, surtout en période électorale où les couleuvres volent bas. Mon premier réflexe fut de regarder autour de moi d'où pouvait venir le reptile incriminé. Rien en vue ! Faut dire qu'en haut d'une colline rasée par les générations de moutons du voisin....

  «  Mais non ! «  ironisa mon chat. Il me tendit ses lunettes. « Dans le jeu »

    Très réalistes les bébêtes ! » J'aurais plutôt parlé de Mamba. Chacun sa perception ! Mon chat se léchait les babines et moi j'essuyai une sueur d'angoisse rétrospective.

«  Pourquoi te lèches tu les babines ?

  • C'est meilleur que les anchois ! »

 Il n'avait pas eu peur  et moi si. Y a de quoi être vexé. C'est quand même moi l'être supérieur, enfin dans ma réalité pour moi.

Mais réfléchissons.....

     Nous avons eu, chacun, une réaction différente face à une réalité . Ce n'est en rien problématique. Face à une galerie marchande le samedi après midi ma femme voit un jardin des délices un peu fréquenté et moi une des trois portes de l'Enfer ( avec les Autres en plus). La réalité des autres peut ne pas être la mienne pourvu qu'ils ne leur viennent pas à l'idée de me la faire partager plus que nécessaire.... mais ne nous égarons pas !

       La réalité que nous partagions mon chat et moi n'était pas une réalité en soi. En prononçant la formule magique de notre époque technologique , off ( avec 2 f. N'oubliez pas le second. Les mots sont tellement susceptibles en cette époque procédurière ! ), avec ce Off je pouvais y mettre fin !

 N'empêche que nous avions donné tous les deux du sens à une réalité qui n'était pas en soi , même si elle était pour nous. Même sans essence, l'existence de cette réalité nous avait rattrapé. Sans existence en soi, elle s'imposait. Notez que cette réalité n'est pas nouvelle. Le discours de mon conseiller municipal ( je parie que vous l'aviez oublié celui là) tient aussi sur des réalités factices qui seront toujours pour lui même s'il me les sert à moi. Ce sont des réalités virtuelles qu'il aura oublié le lendemain des élections et moi le lendemain du jour où il me les aura assénées. Mais ces couleuvres là n'ont rien à voir avec celles de mon chat.Les réalités de mon conseiller sont basées sur ce qui n'a pas eu lieu et n'aura probablement jamais lieu. Ce sont des réalités qui existent pour lui afin que je les digère en espérant qu'elles soient en moi. Son existence dépend de sa capacité à me les faire gober.

   La couleuvre de mon chat n'existe pas. Elle est néant et peut retourner au néant chaque fois que j'actionne l'interrupteur. Pourtant, contrairement aux promesses de mon conseiller municipal, elle est tellement vraie ! C'est une réalité pour moi chargée de toutes mes angoisses à moi. Si je la regarde ad vitam eternam comme mon chat accro je finirai même par m'habituer à elle. Elle ne me fera plus peur. Elle deviendra une habitude banale. La thérapie par le nerf optique !

Mais alors ! Ce n'est plus moi qui charge la réalité en soi de sens pour moi mais cette réalité qui modifie mon moi. Grâce à elle je peux tuer des milliers d'ennemis, voire les tuer plusieurs fois si je juge que j'ai naturellement envie de le faire et que je juge que le sang n'était pas assez réaliste la première fois. La réalité en soi de leurs tripes éclatées est moins réelle pour moi que le bing ! qui accompagne l'obsédant      «  game over, essaie encore ! »  Ce n'est plus moi qui maitrise mon existence mais un truc qui n'existe pas. C'est à vous filer la nausée! Y a pas de mots pour ça !

    Quoique.... échanger une vie d'instituteur fauché pour une vie pleine de jolies filles au crâne creux dans une villa idyllique de Miami en croyant dur comme fer que c'est une réalité possible . Au fil du temps finir par admettre inconsciemment que c'est La Réalité. ….

     Mais si ce n'est ni une réalité en soi, ni une réalité pour moi car en fait je n'aime ni le soleil excessif ni les blondes creuses, à moins qu'il ne s'agisse d'huîtres, d'où vient cette réalité ?

  Peut être d'autres qui les fabriquent pour moi sans que ce soit des réalités pour eux puisqu'elles partent de réalités à moi, secrètement enfouies dans mon inconscient. En fait ils connaissent mieux que moi mes réalités pour moi que moi même... Peut être parce que du point de vue de l' Inconscient il s'agit de réalités en soi comme la fraise du carambar au goût de même nom.

      Oui je sais c'est un peu compliqué ! Mais quand on discute à 5 heures du matin, 6 maintenant, avec un chat il ne faut plus s'étonner....

   D'un point de vue existentiel je suis un peu déçu. La vie n' avait déjà pas de sens car pas de finalité, mais en plus je découvre, à cause d'un chat qui prend les couleuvres pour des anchois, que finalement je ne suis pas réellement maître de lui en donner un puisque ce sont les images bâties dans le Néant par d'autres qui construisent mes réalités, mon existence....Quel enfer !

 

 

 

 

 

 

 

   Finalement mon chat rangea ses lunettes 3D et, son ventre émettant le glou glou annonçant 6h heures, heure fixée par moi pour la pâtée, se leva en proférant cette éternelle interrogation du grand penseur Jacques Chancel

                     «  et Dieu dans tout ça ! »

   Ben finalement c'est peut être le fin du fin de la réalité virtuelle créant elle même ses propres images virtuelles.....

  «  Bon,ça vient ? » grogna mon chat

 

                                          Olivier Sorel

                                          Février 2017

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